La chaleur, le froid et la sécheresse mettent à l'épreuve l'immunité des plantes face au changement climatique

Des études révèlent comment les stress abiotiques affectent les capteurs de défense des plantes

12.08.2025 | 16h27 (UTC-3)
Cultivar Revista
Représentation schématique de l'effet de l'acclimatation à des températures élevées ou à la chaleur sur l'activation PTI/DTI - doi.org/10.1016/j.tplants.2025.07.009
Représentation schématique de l'effet de l'acclimatation à des températures élevées ou à la chaleur sur l'activation PTI/DTI - doi.org/10.1016/j.tplants.2025.07.009

La hausse des températures mondiales, accompagnée d'événements extrêmes tels que sécheresses, inondations et vagues de chaleur, menace l'agriculture et la sécurité alimentaire. Les plantes, incapables de se déplacer, dépendent exclusivement de leur immunité innée pour se défendre contre les micro-organismes. Cette défense fait appel à des capteurs de surface cellulaire et à des protéines intracellulaires qui reconnaissent les signes d'invasion.

Des recherches récentes montrent que les changements environnementaux affectent l'expression des gènes liés à ces capteurs. La température, le déficit hydrique et le froid modulent directement les récepteurs de motifs (PRR) et les capteurs d'intégrité de la paroi cellulaire (CWI), composants essentiels de l'immunité des plantes. C'est la conclusion de scientifiques de l'Université libre de Bruxelles (ULB) et de l'Université Paris-Saclay.

Capteurs de danger et réponse immunitaire

Les plantes reconnaissent les agents pathogènes grâce à deux mécanismes principaux : l'immunité déclenchée par les motifs (PTI) et l'immunité déclenchée par les dommages (DTI). Toutes deux reposent sur l'activation des PRR, des protéines situées dans la membrane cellulaire qui détectent les fragments microbiens ou les signes de dommages.

Dans les cas les plus graves, les protéines intracellulaires appelées NLR reconnaissent les molécules spécifiques de l'agent pathogène, déclenchant ainsi ce que l'on appelle l'immunité déclenchée par l'effecteur (ETI).

Ces systèmes fonctionnent de manière intégrée. Le PTI et le DTI bloquent la progression initiale du pathogène, tandis que l'ETI intervient lorsque ces barrières sont franchies.

Les températures élevées suppriment les capteurs de défense

Plants de tomates et Arabidopsis thaliana Soumis à une chaleur extrême, l'expression des PRR et des RLK, protéines impliquées dans la détection des menaces, diminue. Une chaleur intense affecte l'immunité, mais le processus d'acclimatation thermique peut partiellement inverser cette situation.

L'acclimatation, induite par une exposition progressive à la chaleur, stimule l'action des facteurs de transcription de la famille HSF. En particulier, HSFA2 et HSFA3 activent des gènes capteurs tels que FLS2, EFR et PEPR1. Ce mécanisme permet aux plantes de mieux répondre aux infections en milieu chaud.

Le froid renforce les PRR mais supprime les capteurs de dégâts

L'exposition au froid (4 °C) modifie l'expression des gènes immunitaires. Des études menées avec Arabidopsis montrent une augmentation des récepteurs tels que FLS2, BAK1 et FRK1. En revanche, les capteurs d'intégrité cellulaire, tels que WAK et PEPR, sont supprimés.

Le froid active des facteurs de transcription tels que DREB1 et CAMTA3. Ces régulateurs interagissent avec NPR1, un récepteur clé de l'hormone salicylique, amplifiant ainsi la réponse immunitaire. Cette réponse est coordonnée avec des gènes de résistance tels que WRKY46 et PR2.

Le stress hydrique a des effets ambigus

La sécheresse affecte l'immunité de diverses manières. Dans certaines situations, elle induit une résistance. Dans d'autres, elle accroît la sensibilité.

Chez Arabidopsis, une sécheresse modérée supprime les gènes de défense régulés par l'acide salicylique via l'activation de l'hormone du stress hydrique ABA. Cependant, lors de la récupération après une sécheresse, le phénomène d'« immunité induite par la réhydratation » (DRII) se produit, avec la réactivation de récepteurs tels que FLS2 et PEPR1.

De plus, des capteurs tels que CRK et THE1 augmentent leur expression après exposition à l'air sec. Cet effet suggère que les plantes perçoivent les dommages cellulaires causés par le manque d'eau et activent des mécanismes de défense.

Le stress combiné perturbe le système immunitaire

Lorsque chaleur et sécheresse surviennent simultanément, les réactions deviennent imprévisibles. Certaines réactions se combinent, d'autres s'annulent. Des expériences menées sur l'orge ont montré que cette combinaison a entraîné une reprogrammation génétique plus importante que l'un ou l'autre stress isolé. Malgré cela, l'expression des gènes immunitaires était plus faible, ce qui indique une suppression du système de défense.

Ce blocage peut être lié à la dominance de la signalisation ABA, qui interfère négativement avec les voies de l’acide salicylique et du jasmonate, essentielles à l’immunité.

Implications pour l’agriculture

Ces résultats confirment que les capteurs de surface des plantes sont directement influencés par les conditions environnementales. Le froid active les PRR et inhibe les capteurs de dommages. La chaleur extrême supprime les deux. La sécheresse a des effets contradictoires, mais la réhydratation réactive le système de défense.

Deux groupes de facteurs de transcription se distinguent : les HSF, liés à la chaleur, et les DREB, associés au froid. Tous deux agissent à l'intersection du stress abiotique et de l'immunité, régulant des gènes tels que FLS2 et EDS1.

Des chemins vers l'avenir

Face à l'intensification du changement climatique, l'identification des régulateurs moléculaires qui contrôlent l'immunité en situation de stress devient une priorité. Des technologies telles que l'ARN-seq, le ChIP-seq et l'ATAC-seq devraient être utilisées pour cartographier l'interaction entre l'ADN et les facteurs de transcription dans différentes conditions environnementales.

De plus, des outils comme la modélisation moléculaire et l'apprentissage automatique peuvent aider à prédire le comportement des récepteurs de défense dans des situations défavorables. Ces données permettront le développement de cultivars plus résistants et de stratégies de protection efficaces hors laboratoire.

Plus d'informations sur doi.org/10.1016/j.tplants.2025.07.009

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